septembre 16, 2014 at 5:15

Chill: Un art de vivrevlad / Chroniques urbaines / no comments

Chill


On me demande souvent d’expliquer certains mots ou expressions qui font partie du vocabulaire urbain d’aujourd’hui. Prenez par exemple le mot « chill »; un terme dure à expliquer puisqu’il traduit une sensation? un état d’âme? une façon d’être? un moment d’euphorie passé en compagnie de personnes intéressantes?


Une mise en situation est requise, car il faut vivre l’expression pour en comprendre tout le sens…


12:00 pm, je reçois un message inattendu: Tu fais quoi aujourd’hui? On pourrait peut-être chiller, faire du yoga? Ou même aller cruiser en paire de parfaits inconnus?


Wow! La fille est un mélange entre Halle Berry et Selma Hayek, à mes yeux, plus belle que toutes les deux. De plus, la déesse de la création s’est sentie généreuse et lui a donné de la matière grise à revendre; un look de top modèle et un cerveau de Marie Curie… Elle fait tourner les têtes et pourrait faire des tournées comme conférencière en génie nucléaire.


Je n’y crois pas, elle doit se tromper de dude. Ce n’est pas moi qu’elle a voulu appeler.


Who cares, je dois prendre ma chance.


Elle me fixe un rendez-vous chez elle et me demande d’apporter une bouteille de rouge. Pas de problème; je peux même t’apporter du vert, du brun, du bleu… en matière de plaisir, je suis comme un dépanneur.


Après deux bisous sur la joue et un gros câlin, la conversation se fait à bâtons rompus; on s’examine l’un l’autre et elle ne semble pas surprise de me voir. Après tout, peut-être ne s’était-elle pas trompée sur la personne…


Verbomoteur est le mot qui exprimerait le mieux la cadence à laquelle elle s’exprime.Intéressante à souhait, très articulée, elle ne montre aucune inhibition et elle n’arrête de parler que lorsqu’elle doit reprendre son souffle; je ne peux m’empêcher de penser qu’elle était totalement différente dans le taxi, il n’y a que quelques jours. Elle s`était montrée timide, introvertie, silencieuse, et ne parsemait que quelques mots ici et là au cours de notre entretien. Métamorphose… j’y prends plaisir et il n’y a pas mieux.


Discussions frivoles, blagues légères, le vin coulait à flot. Entre deux verres, on déconstruisait le monde pour mieux le refaire, on parlait de nos goûts littéraires ou du dernier bon film qu’on avait vu… C’est le cas de le dire, l’ambiance était chill.


À brûle-pourpoint elle me demande: « J’espère que tu ne pensais pas qu’il s’agissait d’un booty call? »


« Non, je prends la vie comme elle vient; j’adore ce genre de rencontre aléatoire, je vis pour ça dans mon cab. »


Bon, moment de vérité…


« Toutefois, s’il fallait que tu me sautes dessus, ou que tu tentes de me violer, je te pardonnerais tes péchés… »


« Oh yeah right… de toute façon je suis lesbienne. »


« C’est cool, j’ai plein d’amies avec cette qualité et beaucoup me permettent de franchir la frontière dite interdite. »


Elle ne me relance pas; un silence voudrait s’installer, peut-être ai-je poussé trop fort. Mais voilà un bruit dans son hall d’entrée. il s’agit de son frère de passage à Montréal. Il se joint bientôt à notre conversation qui reprend de plus belle.


Entre deux mots, je m’arrête un peu pour penser à la chance que j’ai de pouvoir m’introduire de la sorte dans la vie des gens grâce à mon taxi.


Un bel après-midi. C’était vraiment chill.


Comme dans un rêve, j’essaie de scruter tous les petits éléments qui sortent de l’ordinaire. Mes yeux font le tour de la pièce et se posent sur une toile au mur de sa salle de séjour. Comme c’est beau ai-je pensé, presqu’aussi beau qu’elle est belle, de façon intuitive la question m’est venue à l’esprit.


Se pourrait-il qu’elle soit la raison de l’existence de ce tableau ?


Le raisonnement s’articulait maintenant de vive voix.


« Est-ce toi qui a peint ce tableau? »


Un peu gênée, elle hoche la tête pour me signifier par l’affirmative qu’elle en est bien l’auteure.


« Ces toiles sont de toutes beauté; des clichés s’imposent! »


J’ai l’impression que Montréal grouille d’artistes anonymes, tous cachés derrière quelconque inconnu. Il suffit de tendre un peu l’oreille ou d’échanger un tant soit peu pour s’en rendre compte et les découvrir…


Maudit que j’aime cette ville. Montréal c’est juste trop chill.


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