mai 16, 2012 at 12:24

Tout est relatifvlad / Chroniques urbaines / no comments

Tout est relatif

 

Je la vois de loin. Elle attend devant une école avec ce qui me semble être un sac dans ses mains. Je m’arrête devant elle sachant pertinemment que cette cliente attend un taxi autre que le mien.

 

Qu’à cela ne tienne; les temps sont durs et j’ai des bills ainsi qu’un avocat à payer…

 

« C’est pour Chantal? », me demande-t-elle.

 

Je hoche la tête, lui montrant par l’affirmative, sans dire un mot, que c’est bien elle que je suis venu chercher.

 

Après qu’elle soit montée dans mon taxi, mon clapet se met en mode action:

 

« Comment ça va? »

 

« Pas mal, toi? »

 

« Moi, ça pourrait aller mieux, mais ça coûterait plus cher. »

 

« Il faut se satisfaire de ce qu’on a dans la vie boss. »

 

« Hé, c’est mon expression ça! »

 

« Tu viens de me voler une de mes expressions, d’habitude c’est moi qui dit ça le mot BOSS. »

 

« Ça veut peut-être dire que tu es quelqu’un d’intéressant… »

 

« Ouin, on peut dire ça; pourtant avec tous les problèmes que j’ai, y a pas grand monde qui s’intéresse à moi. »

 

« Hummmm gâ don ça, comme y fait pitié. C’est quoi tes problèmes? »

 

« Jamais assez d’argent dans les poches; mon avocat me coûte une beurrée, ma femme encore plus… J’ai très peu de temps pour moi et je n’arrive plus à joindre les deux bouts. J’suis juste plus capable… »

 

« Woow! C’est juste ça tes problèmes? », me dit-elle d’un ton léger et quelque peu moqueur. «C’est pas grand chose.»

 

Blessé et un peu surpris, je hausse les épaules et m’efforce de lui sourire…

 

Elle est jeune, avec un sens de la répartie hors du commun et son sac renferme un bébé qui, sage comme une image, ne fait aucun bruit…

 

« Ok Miss Zénitude, quel genre de problème as-tu TOI dans ta vie? »

 

« Tu veux dire maintenant ou depuis ma naissance? »

 

« Comme tu veux boss. Raconte le long métrage de ta vie, t’as l’air pas mal superstar anyway! »

 

« En ce moment j’ai des problèmes avec la DPJ, parce-que mon CHUM m’a violenté moi et mon bébé. Ils veulent m’enlever ma petite. »

 

« C’est un vrai cave ton chum! »

 

« Mais ça finit pas là. Je traîne mon beau-père en cour, parce-qu’il a abusé de moi quand j’étais toute petite. »

 

« Shit! Vraiment désolé d’entendre ça. »

 

« Les deux personnes qui auraient dû m’aider et me protéger dans la vie, sont celles qui m’ont fait le plus souffrir. À une époque j’ai même songé m’enlever la vie pour en finir avec cette merde… »

 

« Shit. C’est vraiment pas drôle; malgré tout ça tu gardes le sourire boss? »

 

« On a pas le choix, on vit seulement une fois, et si c’est pour se plaindre et faire la baboune tout le temps, ça ne vaut pas la peine. »

 

J’avais du mal à me contenir. Je me plaignais pour ce qui me paraissait à ce moment peu de chose, comparé à ce que vivait cette jeune femme. Avec tout ça, nous étions arrivé à destination; le compteur montrait $14.50.

 

« On est arrivé boss. »

 

« Merci boss. Combien j’te dois? »

 

« Rien du tout boss… »

 

« Hein? Comment ça? »

 

« Tu ne me dois rien; c’est moi qui te dois pour la leçon de vie. »

 

« Me niaises-tu? »

 

« Non, non j’suis très sérieux… »

 

« Cool. T’es superbe toi, j’espère te revoir. J’me dépêche de sortir avant que tu ne changes d’avis et que tu m’charges pour le ride… Bye bye boss. »

 

« A+ »

 

Morale de l’histoire, tout est relatif.

 

« On se console lorsqu’on compare notre infortune aux malheurs des autres. »

 

C’est ce que m’avait dit la mère d’un de mes bon amis. À l’époque ça ne me semblaient que de belles paroles; aujourd’hui ces mots raisonnent en moi comme le battement de mon coeur.

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